Cela fait deux semaines que je suis rentrée du Pérou, mais je n’ai pas encore la sensation d’être complètement rentrée, et une partie de moi est encore là bas dans un endroit de l’Amazonie péruvienne, où j’ai vécu pendant trois semaines.
Les expériences que j’ai faites au Pérou furent tellement puissantes, tellement transformatrices, que j’ai comme une espèce de mélancolie, et un désir immense et profond de me connecter à nouveau avec ces espaces de mon être, au travers desquels j’ai voyagé de manière intense, durant ce mois d’août 2014, guidée par deux chamanes d’exception, Emilio et Romulo.
Cette expérience m’a marquée au fer rouge et parce que beaucoup d’entre vous me l’avez demandé, j’ai décidé de partager une partie de mes aventures péruviennes.
Je raconterai la semaine que j’ai passé seule dans la forêt, quasiment à jeun. En fait, une véritable initiation, après une première semaine de préparation, de Kundalini yoga, de méditations, mantras, chants sacrés, pranayamas.
Après cette première semaine, nous avons fait ce que les chamanes appellent « la Diète » c’est-à-dire 7 jours seuls dans la forêt – la diète est un processus personnel, où chaque moment se transforme en méditation, j’ai eu le sentiment d’être en permanence confrontée à moi-même, dans un lieu où je ne pouvais pas m’échapper avec mes passe-temps habituels. (Travail, nourriture, enfants, amis, internet etc.)
Parmi les différentes « épreuves » de mon voyage, « la Diète » était celle qui me préoccupait le plus. Bien que je ne me considère pas comme peureuse, j’ai une crainte profonde des serpents, et l’idée de rester seule dans la forêt, surtout pendant la nuit, dans un lieu où selon moi, il n’y avait aucune protection de l’extérieur, m’inquiétait ; et en même temps, une espèce de sérénité et de confiance me disait que tout se passerait bien, et que les expériences de cette semaine étaient nécessaires pour moi.
Nous étions six personnes pour faire la Diète, à chacune d’entre nous a été assignée par tirage au sort une hutte, qu’ils appellent « tambo » qui possède un toit, deux cloisons de palmiers, un hamac et un lit avec une moustiquaire. La mienne s’appelait « la Maison des Ancêtres ». Quand je suis arrivée, j’ai pensé que j’avais de la chance car elle donnait sur la rivière.
On m’a dit aussi qu’elle fut construite sur un cimetière indigène, mais cela ne m’a pas plu du tout. Je m’imaginais que des présences viendraient me visiter pendant la nuit, ce qui n’est évidemment pas arrivé. Tout dans ce lieu diffusait une subtilité réellement zen.
J’écoutais les instructions avec curiosité : ne pas se baigner, se laver uniquement « les orifices », et sortir le moins possible du « tambo » ; et je pensais en moi-même, pour aller où ? Et surtout, rester sans rien faire et contempler seulement la nature.
Le premier jour j’étais réellement enchantée par la beauté du lieu et de la hutte, la présence de la forêt, tout paraissait idyllique.
Pendant la diète, on ingère des plantes maitresses, et comme ces plantes ne peuvent pas se prendre l’estomac vide, à 9h du matin apparaissait le fidèle Leoncio, un indigène de l’ethnie Shipibo, un véritable ange, qui faisait attention à ce que je sois toujours bien, de temps en temps il me jetait un petit coup d’œil, pour vérifier que tout était en ordre. La nourriture de Leoncio était invariable, une banane avec un riz très cuit, sans sel et sans rien. Le résultat culinaire était immangeable, et tellement poisseux que cela me provoquait l’envie de vomir. Je n’ai jamais pu manger le riz, je mangeais seulement difficilement la banane malgré la faim croissante des derniers jours.
Mais je préfère vous résumer mon expérience jour par jour.
J’ai imprégné le lieu avec mon énergie, avec mes paréos et cristaux.
Immédiatement je me suis préoccupée parce que je manquais des deux choses indispensables pour un aventurier dans de telles circonstances : du feu et un couteau. Mais mon instinct de survie est revenu, j’ai fait pipi autour de la hutte avec l’intention que tous les habitants du lieu sachent que c’était mon territoire, et que personne ne s’y approche. Aussi incroyable que cela paraisse, cela a fonctionné jusqu’au dernier jour, aucun moustique ne m’a approchée ni piquée. En plus, le premier jour j’ai fait un accord avec les habitants du lieu : je ne tuerai ni ne ferai de mal à aucune forme de vie, mais j’espérai la même chose pour moi. Je soufflai sur les rares moustiques qui s’approchaient de moi. Une cohabitation respectueuse s’installa autour de la hutte.
J’étais très fatiguée toute la matinée de ce premier jour, et j’ai passé mon temps à dormir.
Après, Leoncio apporta la nourriture, et bien que je n’avais pas mangé depuis 24h, je n’ai pu manger que très peu. J’ai avalé ma plante pour la diète, de « l’Ajo Sacha » qui travaille « l’égo ». Cela sent fortement l’ail. Je pensais : heureusement que je suis seule dans l’Amazonie, et que je n’ai pas de rendez vous romantique.
J’ai dit a Leoncio mon inquiétude de ne pas avoir ni de couteau ni de feu. Il essaya de m’expliquer comment faire un feu avec un petit bâton et des feuilles sèches. De toute évidence il se rendit compte de mon expression totalement sceptique, parce qu’il apparu plus tard avec un couteau et un briquet.
L’après midi passa rapidement, et après j’avais rendez vous avec Emilio l’un des chamanes, pour une lecture de mes chakras. Je voulais passer le plus de temps possible avec lui. Je lui ai posé des questions jusqu’à ce qu’à un moment il m’a semblé qu’il s’est rendu compte que j’essayais d’allonger le temps en sa présence, et il ne répondit plus.
De retour à la hutte, j’essayais de faire du feu mais il avait plu ce matin et tout était mouillé, et mes talents d’exploratrice n’ont pas réussi à l’allumer.
L’heure que je craignais arriva, la tombée du jour avançait par une lumière dorée qui s’enfonçait dans l’épaisseur, et la forêt, à cause de la hauteur importante des arbres était en train de se transformer rapidement en une obscurité qui deviendrait bientôt absolue. Comme j’avais une légère appréhension, je me suis couchée tôt sur mon lit, il était peut-être 18h. Je pris quelques bougies que j’avais emportées avec moi, je fis pipi jusqu’à la dernière goutte, et je ne bus plus d’eau à partir de 16h pour ne pas avoir besoin de me lever la nuit. L’idée qu’un animal pouvait se cacher en bas de mon lit la nuit me faisait peur. Mais étrangement, j’ai commencé à me sentir très à l’aise, comme envahie par une sensation de protection à l’intérieur de ma moustiquaire, à tel point que lorsque la lumière de ma lampe solaire s’éteint, je dormais profondément et placidement.
Je me senti bercée par la rivière, les grillons et les chants mystérieux de la nuit qui emplissaient la forêt, et pour la première fois depuis que j’étais arrivée au Pérou, je dormis toute la nuit d’une seule traite. Je me levais vers 6h du matin avec une sensation très agréable lorsque je suis descendue très soigneusement de mon lit.
Deuxième jour : Après le passage de Leoncio, je me suis senti à nouveau très fatiguée et j’ai dormi toute la matinée. Je sentais que j’étais en état d’expansion de conscience, mais je me sentais faible, physiquement. L’ajo sacha me produisit alors une réaction inespérée : délires de grandeur, idées mégalomanes, mon égo se gonfla comme un ballon, et je compris ma réaction ; lorsque quelque chose s’amplifie, il est plus facile de la travailler.
D’abord, de nombreux jugements sur moi-même et sur le processus que j’étais en train de vivre ici m’assaillirent, mais ensuite, je me mis à observer toutes ces pensées sans aucun jugement. Je les observais seulement, et elles diminuèrent leur force en passant peu à peu.
Le soir, avec beaucoup d’attention, et grâce à l’aide d’un bâton utilisé comme soutien, je cherchais du bois pour faire un feu, et malgré les difficultés je suis finalement parvenue à le faire, avec des feuilles séchées, un peu grasses et très inflammables. J’ai senti l’amour des flammes, réellement très fière d’avoir fait de ce feu. Je l’ai alimenté jusqu’à ce que tout l’environnement devienne très obscur.
Je me suis couchée à la tombée de la nuit, j’ai constaté avec horreur que ma lampe solaire ne fonctionnait plus, ce qui voulait dire que je passerai plusieurs heures dans l’obscurité. J’ai une petite bougie mais qui dure seulement deux heures, et comme j’ai passé la matinée à dormir, le sommeil tant attendu n’arrive pas, milles sensations dans la nuit profonde.
Troisième jour: je me réveille comme tous les jours à 6h du matin, j’ai une folle envie de marcher pieds nus, je viens d’avoir une forte prise de conscience : « je sais que rien dans ce lieu ne me fera du mal ». je marche unie à cette sensation, et après m’être lavée, je me couche dans mon hamac et une expérience profonde de connexion avec la nature commence, je me sens une partie du tout, des papillons s’approchent de moi et se posent sur mes pieds, je reste tranquille sans bouger et arrivent également des guêpes, des abeilles, des fourmis, elles me traitent comme si j’étais un bout de bois ; et en signe de confiance un ver assez bizarre et velu s’approche de moi et me monte dessus, je le laisse parcourir la géographie de ma peau mais je crains de m’endormir et de l’écraser avec mes mouvements, alors je le pose doucement sur le sol. Je me sens adoptée et protégée par la forêt, par une forêt amoureuse et tendre, les larmes commencent à monter, au début en pensant à tout le mal qu’on lui fait ; tellement d’inconscience de la part de notre race d’êtres humains. La forêt est un être vivant, conscient et amoureux. Et nous sommes en train de l’amputer peu à peu. Je comprends que beaucoup de personnes sont prêtes à mourir pour la défendre. Ce contact avec cette énergie généreuse du lieu croît encore plus et devient intime. Depuis que je suis venue ici, elle m’a montré son amour plusieurs fois par jour.
La femme sauvage se réveille en moi, je laisse tomber les insignifiances et les peurs ; si ce n’était pas pour mes enfants qui m’attendent à Paris, je pense que je pourrai rester longtemps ici. Je me sens centrée, sereine, ralentie mais très VIVANTE.
Je remarque que tous mes sens s’amplifient, que ma vue s’aiguise, j’entends plus loin, avec mon odorat, je suis capable de sentir quand Leoncio est proche, et ses chiens protecteurs qui approchent de la hutte, ainsi que les odeurs agréables et parfumées de la forêt. Une forte odeur de rose m’envahit soudainement, je ne sais si c’est la réalité ou si c’est moi qui l’imagine.
Un colibri kamikaze s’approche très près de moi, avec un vol lent qui défie toutes les lois de l’apesanteur.
Quatrième jour : après une longue nuit je me lève à 8h, je regarde la rivière, quelque chose se passe en moi, j’apprendrai plus tard que les chamanes appellent ce jour la rupture de l’égo. Je me sens fragile, fatiguée, et de très mauvaises humeur. La journée fut longue et difficile. Je luttais avec toutes mes identifications. J’ai faim, je m’imagine dans de grands restaurants en train de manger des plats succulents, je voudrais être dans ce spa Suisse très luxueux que j’ai découvert il y a quelques mois. J’ai très envie de parler avec quelqu’un, de partir, le bruit de la rivière commence à me déranger, ainsi que les grillons ou le bois. Mon odorat s’aiguise à tel point que je peux sentir mes odeurs corporelles, surtout mon sexe, qui au début me semblait avoir une odeur agréable, mais à mesure que la journée passe, l’odeur devient tellement pénétrante que cela me désespère. Je me lave pour l’éviter mais cela ne change pas grand-chose.
Les 4 dogues argentins qui nous protègent sentirent un animal, ils le traquent ; les aboiements et le bruit me rendent nerveuse, ils passent en courant derrière ma hutte, je prie Dieu pour qu’ils ne lui fassent pas de mal. J’ai vu un animal marron clair mais je n’ai pas su déterminer ce que c’était. Pour supporter cette rupture de l’égo je pars contempler la rivière, à environ 20 mètre de l’autre rive je vois un serpent qui plonge dans l’eau. Je décide de rentrer dans ma hutte et de crier, je sens que j’ai faim et que je suis épuisée.
Quand les chamanes viennent me voir et que je leur raconte ce que j’éprouve, ils me disent qu’ils vont changer « l’ajo sacha » contre « Nina Caspi », une plante plus douce, qu’ils appellent arbuste de lumière.
Le soir j’entends un bruit à côté de ma hutte, je regarde et j’éclaire avec ma lampe, « Je vois un animal énorme, noir, je vois juste ces yeux oranges illuminés avec la lumière, il vient vers mon lit, quel frayeur, ah uffff C’est un des chiens, j’ai failli crier. Il s’approche je le câline et il repart, je crois que Leoncio n’est pas loin.
Cinquième jour : la chère « Nina » fait son effet et je me sens plus détendue, sereine, je me réconcilie avec la forêt, avec le son de la rivière et des grillons ; maintenant, j’ai l’impression que ce sont des mantras qui me sont murmurés. La sensation de faim passe également un peu. Soudain me vient à la conscience ma dernière expérience de grande déception amoureuse, c’est à ce moment que j’ai décidé de faire le voyage au Pérou, je sais que c’est la raison pour laquelle je suis en train de vivre cela dans la forêt ; et alors, je sens une immense gratitude envers cet homme. Les larmes coulent et je me rends compte de la perfection du plan divin. Je lui envoie tout mon amour, et je lui souhaite sincèrement le bonheur dans son nouveau couple.
Finalement le sommeil est arrivé doucement dans la nuit, je suis ravie de Nina Caspi.
Sixième jour : je me réveille très heureuse à 5h du matin. Je reste au lit où je prend conscience de beaucoup de choses. Après le passage de Leoncio, je dors toute la matinée. J’ai passé l’après midi à observer la nature, je me sens heureuse; cette nuit nous allons chanter des mantras ensemble, et je vais pouvoir voir mes compagnons, même si nous ne pourrons pas nous parler. Je pars très sereine à ces mantras, et j’en reviens aussi très sereine. La nuit tombe et soudainement je me vois marcher seule dans la forêt en pleine obscurité, une petite lampe m’illumine, et je ne sens aucune peur, dans le chemin de retour un grosse araignée grand comme ma main ouverte me barre le passage, je lui dit « laisse moi passer et enfuis- toi, si Leoncio te vois il va te tuer, et je passe à côté d’elle, elle ne bouge pas »
j’arrive à la hutte et je reste dans l’obscurité totale. Je me sens intégrée, comme un mammifère de plus dans la jungle, quel changement profond en seulement 6 jours.
Demain soir, tout se terminera.
Septième jour : je me sens en fête, je me mets une robe blanche brodé que mon amie Diane m’a ramené d’Inde, je me sens belle, féminine avec mon habit et mes bottes de caoutchouc ; les chamanes viennent me donner une salade d’oignons au citron, je leur saute dessous, ce premier repas me va à merveille, et à la fin de la matinée, nous nous baignons tous, nus dans la rivière. Quel moment de joie, voir et parler avec mes amis, je vois Lorenzo, avec qui je sens une forte connexion et je le prends dans mes bras, comme les autres, nous parlons beaucoup, nous échangeons nos expériences et ressentis, et nous nous rendons compte que nous avons tous vécu la rupture de l’égo le quatrième jour. Le soir, nous retournons tous au centre, nous dînons ensemble, je me sens tellement heureuse et fière de mon expérience ; nous nous trouvons tous beaux, radieux et plus jeunes, nous emportons quelque chose de différent à l’intérieur, quelque chose de précieux…
Ana Sandrea
Thérapeute et Coach Intuitive
Traduction Florence Licari.
Merci Ana pour ce témoignage qui inspirera mon séjour de deux mois au Pérou.
Bisous
Bonjour Ana,
Merci pour le témoignage de cette expérience, si belle, si grande,si puissante et précieuse.
Que ta route soit grande et divine, pleine de belles autres aventures, bonne continuation dans ton évolution spirituelle….
Formidable!
On sent, arriver, en te lisant, ce moment ou passage d’un état socialisé à un état (sauvage), disons un peu plus sauvage. Cette mémoire dans notre cerveau reptilien, qui se réactive rapidement.
Belle expérience à vivre je pense. Merci de nous en avoir fait part.
Bonjour Ana! Mille mercis. Grace à toi j’ai retrouvé la Casa de los Ancestros dans laquelle j’ai passé une diète de 3 jours en avril. J’ai retrouvé certaines de ces sensations, de ces enivrements. J’avais une peur bleue à l’idée de cette diète. J’avais même demandé à la faire dans ma chambre.. mais le 4ième jour j’ai pleuré en partant du tambo. J’y étais si bien. Au coeur de l’essentiel.
Merci et Belle (nouvelle) route à toi
Bravo Ana,
Quelle expérience!!!!!!!
Merci pour ton témoignage.
Annie
J’ai beaucoup aimé ton histoire!Ana!Tu es très courageuse, Moi je suis peureuse,mais je me soigne!!!
Merci Ana pour ce partage.
Cela donne envie de faire cette expérience avec soi-même.
Gratitude,
Valérie
Bravo!